JD Avocats – L’Abus de Confiance : 5 ans et 375 000€

Vous avez confié de l’argent ou un bien à une personne qui refuse de le restituer, l’utilise à son profit, ou pire, en fait un usage frauduleux ? Vous pourriez être victime d’un abus de confiance. Cette infraction complexe soulève de nombreuses questions : de quoi s’agit-il précisément ? Comment agir pour récupérer votre bien ? Quelles sont les peines prévues ? Et comment un avocat peut-il vous aider ?

Si la victime présente une vulnérabilité particulière, les faits peuvent également relever du délit d’abus de faiblesse, notamment lorsque l’auteur exploite sciemment l’état de fragilité psychologique ou d’ignorance de sa victime pour l’amener à des actes préjudiciables.

Qu’est-ce que l’abus de confiance ?

L’abus de confiance est défini à l’article 314-1 du Code pénal. Il s’agit du fait, pour une personne, de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle avait accepté de rendre, de représenter ou d’utiliser d’une manière spécifique.

L’infraction repose sur plusieurs éléments clés

Une remise préalable, volontaire et précaire

La victime doit avoir volontairement remis le bien à l’auteur de l’infraction. Cette remise est « précaire » car elle est faite à la condition que la personne qui reçoit le bien le restitue, le représente, ou en fasse un usage déterminé.

L’objet de la remise

L’article 314-1 précise que cela concerne les fonds, les valeurs ou « un bien quelconque ». La jurisprudence a une interprétation large, incluant toute chose susceptible d’appropriation, qu’il s’agisse d’un bien corporel ou incorporel. Cela peut être une somme d’argent, une carte bancaire, un chèque, des marchandises, un fichier client. Il a même été reconnu qu’un détournement pouvait porter sur le temps de travail d’un salarié. Traditionnellement exclus, les immeubles peuvent désormais faire l’objet d’un abus de confiance selon un arrêt récent.

L’élément matériel

Le détournement : L’infraction est caractérisée par le détournement du bien. Le détournement peut prendre la forme d’une non-restitution ou d’un usage abusif de la chose.

1- La non-restitution peut résulter de l’impossibilité de restituer (par exemple, si l’agent a cédé, mis en gage, détruit ou consommé le bien) ou d’un refus injuste de restituer. Une restitution tardive peut également ouvrir droit à réparation.

2- L’usage abusif est un usage incompatible avec celui prévu initialement, empêchant la victime d’exercer ses droits sur le bien.

Un préjudice

L’abus de confiance doit avoir causé un préjudice à autrui. Ce préjudice n’est pas nécessairement le propriétaire ; le terme « autrui » est entendu largement. Le préjudice peut être matériel ou moral, éventuel ou effectif.

L’élément moral : L’intention

L’abus de confiance est une infraction intentionnelle. L’auteur doit avoir eu la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire du bien remis, alors qu’il ne disposait qu’un titre temporaire et précaire. Il faut démontrer que l’auteur connaissait la précarité de sa possession et la prévisibilité du résultat dommageable de son action ou omission.

Exemples concrets d’abus de Confiance

– Un salarié utilisant des moyens de paiement confiés pour des frais professionnels à d’autres fins.

– Un salarié utilisant son temps de travail pour des activités non professionnelles.

– Un ancien salarié détournant la clientèle de son ancienne entreprise.

– Le refus de restituer un bien prêté, comme une voiture.

– Un tuteur détournant l’argent de la personne sous tutelle.

– Des gérants de société ne reversant pas à leur cocontractant des commissions sur ventes immobilières perçues de clients.

Différences avec d’autres infractions

L’abus de confiance se distingue d’autres délits similaires :

Du vol

Dans l’abus de confiance, la victime a volontairement remis le bien à l’auteur ou lui a permis d’en disposer. Dans le cas du vol, le bien est pris sans le consentement de la victime.

De l’escroquerie

L’abus de confiance ne suppose pas de fraude initiale. La remise du bien est légitime au départ. Dans l’escroquerie, l’auteur utilise des moyens frauduleux pour obtenir la remise du bien (par exemple, en faisant croire qu’il a un droit qu’il ne possède pas).

De l’abus de faiblesse

L’abus de faiblesse consiste à profiter de l’état de vulnérabilité d’une personne (âge, maladie, handicap, grossesse) pour lui faire faire un acte dont elle ne mesure pas les conséquences. Bien que la vulnérabilité puisse être une circonstance aggravante de l’abus de confiance, les deux infractions sont distinctes.
Pour aller plus loin, consultez notre article sur l’abus de faiblesse.

Immunité Familiale

Il est important de noter qu’il ne peut y avoir de poursuite pénale pour abus de confiance entre ascendants et descendants, ni entre époux (non séparés), sauf si l’abus porte sur des biens indispensables à la vie courante comme des moyens de paiement ou des documents d’identité. C’est ce qu’on appelle l’immunité familiale.

Recours et Procédure pour les Victimes

Si vous êtes victime d’un abus de confiance, vous disposez de moyens pour agir :

Déposer plainte

Vous pouvez porter plainte pour abus de confiance. Vous disposez d’un délai de 6 ans à compter de la découverte des faits pour le faire, sans pouvoir excéder 12 ans après la commission de l’infraction. La date de découverte est celle où vous avez les éléments prouvant le détournement. Vous pouvez vous rendre au commissariat ou à la gendarmerie, ou écrire directement au procureur de la République.

Se constituer partie civile

Pour demander la réparation du préjudice subi, vous devez obligatoirement vous constituer partie civile. Cela peut se faire lors du dépôt de plainte ou plus tard dans la procédure. Vous pouvez demander le montant de la somme ou du bien détourné, des dommages et intérêts pour préjudice moral et la privation du bien, ainsi que le remboursement des frais engagés pour le procès. Vos demandes doivent être chiffrées.

Actions bancaires

Si l’auteur avait une procuration sur votre compte, vous pouvez y mettre fin, faire opposition à des virements, ou demander le blocage de sa carte ou de ses chèques.

Notez que si la victime est sous tutelle ou curatelle, les modalités de dépôt de plainte et de constitution de partie civile sont spécifiques et peuvent impliquer l’assistance ou la représentation par le tuteur ou curateur.

Sanctions pénales encourues

L’abus de confiance est sanctionné sévèrement. Pour les personnes physiques, la peine de base est de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Ces peines peuvent être aggravées dans certaines situations, portant les sanctions à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende, notamment lorsque l’infraction est commise :

– En bande organisée.

– Par une personne faisant appel au public pour obtenir des fonds (pour elle-même ou comme dirigeant d’entreprise/banquier).

– Par une personne se livrant habituellement à des opérations sur les biens de tiers (comme un banquier).

– Au préjudice d’une association humanitaire ou sociale faisant appel au public pour la collecte de fonds.

– Au préjudice d’une personne particulièrement **vulnérable** (en raison de l’âge, d’une maladie, infirmité, déficience physique/psychique, ou d’une grossesse), si cette vulnérabilité est apparente ou connue de l’auteur.

Les peines maximales sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 500 000 euros d’amende lorsque l’abus de confiance est commis par un mandataire de justice ou un officier public ou ministériel dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions, ou en raison de sa qualité.

Lorsque l’abus de confiance porte atteinte aux budgets de l’Union européenne ou gérés par elle, la peine est également portée à cinq ans d’emprisonnement.

Une personne morale (association, entreprise…) peut aussi être coupable d’abus de confiance et encourir des sanctions comme une amende (allant jusqu’à 1 875 000 euros dans les cas aggravés), la dissolution, un placement sous surveillance judiciaire, la fermeture d’établissements, ou l’exclusion des marchés publics.

Enfin, le complice d’un abus de confiance peut être sanctionné de la même manière que l’auteur principal. La tentative d’abus de confiance est également punie.

Le Rôle Indispensable de l’Avocat

Face à la complexité de l’abus de confiance et de la procédure pénale, l’assistance d’un avocat, notamment spécialisé en droit pénal des affaires, est cruciale.

L’avocat peut vous soutenir tout au long de la procédure et joue un rôle essentiel dans la démonstration de l’infraction. Il vous aidera notamment à :

– Rassembler les preuves de l’élément matériel (le détournement) et de l’élément moral (l’intention frauduleuse), qui sont complexes à prouver.

– Apporter la preuve du préjudice subi.

– Constituer votre dossier pour réunir tous les éléments nécessaires.

– Chiffrer le montant du préjudice que vous demandez en tant que partie civile, incluant la valeur du bien ou de la somme détournée, les dommages et intérêts pour préjudice moral, et les frais de justice.

Même si l’avocat n’est pas obligatoire pour se constituer partie civile, son expertise est un atout majeur pour naviguer dans le système judiciaire, présenter votre cas de manière efficace et maximiser vos chances d’obtenir réparation. Si vos revenus sont insuffisants, vous pourriez bénéficier de l’aide juridictionnelle pour couvrir ses frais.

En conclusion, l’abus de confiance est une infraction sérieuse impliquant la violation d’une confiance initiale lors de la remise d’un bien. Les recours pour les victimes existent, de la plainte à la demande de réparation. Compte tenu des éléments à prouver et des procédures à suivre, l’accompagnement par un professionnel du droit est vivement recommandé pour faire valoir vos droits et obtenir justice.

Auréa De Oliveira

Titulaire d’un Master en droit pénal et sciences criminelles elle a clôturé son cursus par un Master en droit de la matière pénale, étudiant auprès du Professeur Jean Pradel. Avocate collaboratrice du cabinet JD Avocats depuis 2023, elle intervient dans tous les domaines du droit pénal et devant toutes les juridictions pénales. Elle parle couramment anglais.

Caroline BROMBOSZCZ

Titulaire d’un master en droit privé et sciences criminelles, elle a clôturé son cursus par un master en responsabilité médicale, étudiant la liquidation des préjudices auprès de Monsieur Benoît MORNET. Après une première expérience, elle rejoint le cabinet JD AVOCATS en 2021. Elle intervient devant toutes les juridictions pénales. Elle parle couramment anglais.

Loïc Sarrat

Titulaire d’un Master d’Etudes pénales et criminelles, il a rejoint le cabinet JD AVOCATS à l’issue du stage clôturant la formation reçue à l’école des Avocats de Lille, en 2017. Il intervient devant toutes les juridictions pénales – Tribunal Correctionnel, Cour d’Appel, Cour d’Assises.

Il est également lauréat 2017 du 1er prix de plaidoirie des élèves-avocats du Mémorial de Caen, et coordinateur pénal du barreau de Lille entre 2023 et 2025. Il parle couramment Anglais.

Audrey Jankielewicz

Diplômée en droit privé et sciences criminelles, elle a rejoint le cabinet de Maître Julien Delarue en 2010 avant de devenir son associée en 2017. Audrey Jankielewicz plaide devant toutes les juridictions pénales – Tribunal Correctionnel, Cour d’Appel, Cour d’Assises.

Elle a également acquis une expérience dans l’assistance des victimes qui lui permet de conseiller et d’assister ses clients au cours de ce long processus.

Co-présidente de la commission victime du Barreau de Lille.

Julien Delarue

Inscrit au Barreau de Lille depuis 1999, il a d’abord travaillé aux côtés d’Éric Dupond-Moretti avant de fonder son cabinet en 2005. Intervenant exclusivement en droit pénal général, droit pénal économique et financier, droit pénal routier, il assure depuis 20 ans la défense de ses clients depuis les premiers instants de la garde à vue jusqu’à l’audience.

Ancien Membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Lille, Julien Delarue a également fait partie du comité directeur de l’Association des Avocats Pénalistes (http://associationdesavocatspenalistes.fr). Son expérience lui permet aujourd’hui de plaider devant tous les Tribunaux Correctionnels, Cours d’Appel et Cours d’Assises.